Pourquoi le narrateur décide-t-il cette année-là de revenir dans la maison de vacances de son enfance ? Il a ses raisons, mais il ne se les explique pas vraiment. Il sait seulement qu’il est temps de renouer avec cette tradition et de retourner sur la côte du Finistère, là où le clan familial se réunit depuis toujours une fois l’été venu.
Souvenirs d’enfance, fugacité de l’existence.
Les lieux n’ont pas changé ; les activités non plus. La maison fourmille toujours des valises qu’on fait et qu’on défait, des portes qui claquent, des odeurs matinales de tartines grillées et de café juste coulé ; les après-midis s’étirent comme autrefois sur une serviette à la plage, entre les cris des plus jeunes, les propos futiles des grands et l’ennui roupillant.
Le trentenaire, qui a les dix dernières années méprisé cet univers clos et imperturbable, goûte de nouveau cette atmosphère tranquille qui a bercé son enfance. Rien n’a bougé, ou presque. Seuls les visages et les corps marquent le passage des années, ils disent la cruelle mesure du temps et notre fragilité. Les enfants d’hier sont les adultes d’aujourd’hui ; une nouvelle génération arrive ; une autre s’approche de la sortie.
D’un bout à l’autre du clan, il y a Jean, ce neveu de cinq ans à qui le narrateur s’attache parce qu’il lui rappelle le gamin qu’il était ; et puis il y a cette grand-mère à présent centenaire, qui est redevenue une enfant qu’il faut prendre par la main. Sera-t-elle encore là, l’été prochain ? Et la maison ? Et ce qu’elle referme de souvenirs ?
Au milieu des traditionnelles festivités, le jeune trentenaire observe avec une mélancolie nouvelle ces petits riens qui font l’éphémère bonheur de l’été. Une évidence lui saute à la figure : rien ne dure.
Quand les vacances racontent la vie.
Les jours passent, tranquilles, tous semblables les uns aux autres. Mais dans cette immobilité, le temps s’échappe, il fuit, s’écoule aussi désespérément que le sable entre les doigts. Le 15 août arrive trop vite, il fait redouter la suite. Bientôt, il sera l’heure de partir. Alors on s’empresse de diner à la crêperie, de rendre visite à tel ou tel grand-oncle, tante ou cousin, de monter en haut du phare, d’enfiler des bottes pour les grandes marées, d’accomplir ces minuscules rituels sans qui l’été ne serait pas vraiment l’été. Et déjà, il faut dire adieu aux uns et aux autres, refermer les volets et avec eux la parenthèse bretonne.
La métaphore est filée : les vacances, c’est comme la vie. Elles commencent par une impression d’infini ; elles s’accélèrent une fois la première moitié écoulée dans un sentiment d’urgence ; et elles s’achèvent dans une tristesse empreinte de nostalgie. Quoi, c’est déjà fini ?
La puissance d’une histoire sans histoire
« Raconter ma vie ? Ça n’intéressera personne. Et puis je n’ai rien à raconter, moi. Je n’ai rien vécu de particulier. » Voilà un livre qui pourrait rassurer ceux qui n’osent pas écrire leur biographie, de peur d’ennuyer. Ce roman, c’est l’histoire d’une vie sans histoire. Une histoire sans héros, sans scénario, sans tension dramatique ; un récit lent dans lequel on plonge comme on plonge dans les souvenirs de son enfance. Une bicyclette, des hortensias bleus, un toit d’ardoises et le parfum d’un bosquet d’ajoncs après un grain soudain… L’insignifiant raconte parfois mieux que l’important ce qui fait le sel d’une vie, ces racines sur lesquelles on a poussé et qui ont donné des fruits.
« Cet été-là, je revins avec un sentiment familier, mais que j’identifiais seulement. Celui de renouer avec un bonheur certain. »