En 2011, Anne-Dauphine Julliand a publié un livre devenu best-seller, Deux petits pas sur le sable mouillé. Il raconte la maladie incurable qui touche ses deux filles, Thaïs d’abord, puis Azylis, décédées l’une après l’autre en 2007 et 2017, à trois et dix ans.
En janvier 2022, c’est son aîné, Gaspard, qui se suicide la veille de ses 20 ans. Le monde d’Anne-Dauphine Julliand implose à nouveau, un fracas d’autant plus brutal que personne n’avait rien vu venir. De ses quatre enfants, il n’en reste qu’un, Arthur. Et une question : comment vivre après ces drames ? Avec ces drames ? Elle qui s’était promis de ne plus écrire sur leur intimité familiale puisqu’elle avait l’impression d’avoir tout dit, elle reprend la plume deux ans après cette tragédie, dans un texte étonnement lumineux.
« On ne peut pas effacer la douleur mais on peut faire la paix avec elle. »
Dans Ajouter de la vie aux jours, Anne-Dauphine Julliand ne cherche pas à donner d’explication au suicide de son fils. Elle n’en a pas. Ce qu’elle partage, c’est la sidération, la chute, le vertige, la douleur d’une mère qui perd son enfant sans signe avant-coureur. Elle ne maquille ni la violence du choc, ni la solitude dans l’épreuve, ni la crainte de voir les autres ne plus oser l’approcher, ni ces « si seulement » ou ces « à quoi bon ? » qui menacent parfois de lui faire perdre raison.
Anne-Dauphine Julliand assume sa peine sans détour, seule issue pour apprivoiser et accueillir ce qui est. Mais au cœur du désastre, elle tient une ligne : malgré le manque, malgré l’absence, malgré la souffrance, elle veut écrire pour ceux qui restent et vivre avec les vivants.
« Tu dis que les couleurs parlent de bonheur. Alors, pour toi, Arthur, je quitte le noir du deuil. »
Comme toujours chez Anne-Dauphine Julliand, l’écriture est empreinte de tendresse et de délicatesse. Les chapitres ne font qu’une page ou deux, ils ont des titres bleus. Ils disent ses envies de rester parfois prostrée, murée dans sa douleur, mais aussi l’importance des bonheurs minuscules pour se raccrocher à la vie, ou encore la difficile nécessité de laisser Arthur s’envoler.
À travers ce récit, il n’est aucunement question de livrer une méthode ou de donner des clés pour « faire son deuil » ; seulement de partager un chemin de vie, de ceux où l’on pleure et où l’on chante dans la même journée, et où toutes les émotions ont droit de cité : celles qui nous font trébucher et celles qui nous font danser.
Un livre comme un acte de foi ; de ces témoignages que l’on n’oublie pas.
« Il n’y a rien à écrire. Et pourtant, j’écris. Parce que je suis en vie. Pour ceux qui sont en vie.
J’écris, au nom de tous les miens. Ceux Là-Haut et ceux ici-bas. J’écris le lien. J’écris ce qui nous maintient.
J’écris la vie. »