Les Loyautés est un livre court, dans lequel Delphine de Vigan explore les liens invisibles qui unissent, et parfois emprisonnent les êtres. À travers les voix de quatre personnages, elle compose une polyphonie sur ce que peuvent cacher les apparences.
La loyauté, un fil tendu entre attachement et aliénation
Le roman s’articule autour de Théo, un adolescent de douze ans pris dans la tourmente d’un divorce conflictuel : balloté entre un père dépressif et une mère qui ne sait plus aimer, il tente de préserver un équilibre illusoire. Avec son ami Mathis, il découvre l’alcool comme échappatoire à la souffrance.
Autour de ces deux jeunes gravitent Hélène, leur professeure, qui perçoit la détresse du garçon et s’acharne à le sauver quitte à se perdre, et Cécile, la mère de Mathis, elle-même enfermée dans un mariage fondé sur le mensonge.
Ce quatre voix forme un entrelacs de destins, où chacun cherche à rester fidèle à une idée de l’amour, de l’amitié, du devoir ou de la vérité.
Une histoire de vertu et de destruction
Que signifie être loyal ? Qu’implique la loyauté aux autres ? À soi-même ? C’est ce qu’interroge Delphine de Vigan dans ce livre. Les loyautés prennent dans l’intrigue différentes formes : Théo entend rester loyal à son père, même au prix de sa santé ; Hélène, hantée par son passé, projette sur l’enfant ses propres blessures ; Cécile se tait par loyauté conjugale ; Mathis par loyauté amicale.
Valeur positive, la loyauté devient ainsi un mécanisme d’enfermement qui broie les êtres. Ce paradoxe traverse tout le roman et révèle combien les sentiments les plus nobles peuvent se muer en piège lorsqu’ils sont nourris par la peur, la culpabilité, la dépendance.
Un livre comme un huis clos émotionnel
Les Loyautés est un roman de l’intime, pourtant écrit tout en pudeur. Chaque phrase semble pesée, contenue, comme pour traduire la retenue des personnages. Au pathos, Delphine de Vigan préfère la tension d’une détresse qu’on devine sans qu’elle soit dite. L’auteure observe comment l’amour, la peur et la fidélité s’entremêlent jusqu’à brouiller les frontières entre le bien et le mal. À travers l’exploration de cette zone grise de la morale, elle montre que chacun agit en fonction de ses blessures et que la souffrance n’est jamais isolée : elle se transmet, se propage, se répète.
Un livre lourd et grave, dont la concision et l’acuité nous le font lire d’une traite, et refermer la gorge nouée.
« Je sais que les enfants protègent leurs parents et quel pacte de silence les conduit parfois jusqu’à la mort. Parfois je me dis que devenir adulte ne sert à rien d’autre qu’à ça : réparer les pertes et les dommages du commencement. Et tenir les promesses de l’enfant que nous avons été. »